
La Belgique, un pays de bons vins ? Il est peut-être un peu tôt pour le dire, mais on y trouve en tous cas d’excellents vins de fruits. A Roisin, non loin de la frontière française (et du Caillou-qui-Bique, la dernière maison d’Emile Verhaeren), Jean-Marie Boucart s’est lancé dans la production de vin de coing, vite suivi par des vins de rhubarbe, de cerise, de fraise… Aujourd’hui, son fils Ludovic, diplômé de la Faculté d’Oenologie de Bordeaux, dirige l’entreprise familiale et en assure le renom à l’étranger.
Le principe est simple : on applique à d’autres fruits que le raisin la technique qui permet de faire de grands vins de Bourgogne, d’Alsace, de Loire… Sélection des fruits, tri, foulage, broyage, macération, fermentation, assemblage, élevage : le processus est identique, mais le résultat diffère sensiblement. Si le vin de coing évoque certains riesling, les vins de fraise et de cerise, par exemple, offrent des arômes incomparables.
Et puis, comment les accorder, ces vins atypiques ? Il faut effectuer des recherches, faire des essais, se laisser mener par son intuition. A Lauwe, près de Courtrai, un jeune chef s’est spécialisé dans ces associations : Steven Dehaeze qui gère avec sa femme Lisa le restaurant Culinair.
Un repas modèle« Ces vins de fruits ne peuvent pas accompagner tout un menu, explique Steven, mais ils s’accordent très bien avec certaines préparations ». Ainsi, le Sparkling à la rhubarbe, avec son effervescence sucrée, constitue un bon apéritif, une introduction légère aux plats raffinés de la maison. Car, des mises en bouche aux mignardises, tout ce que sert ce jeune restaurateur d’Europe, également membre de l’Ordre de la Truffe, témoigne d’une authentique passion pour la gastronomie. Mousse d’anguille de mer fumée, rouget barbet et mousse de crustacé, queues d’écrevisse au curry avec un vin de coing 2002 : un mariage aux arômes intenses, tout en finesse. Suit une petite trilogie constituée d’un tartare de king crabe, d’un cannelloni de foie de canard cru avec une mousse de truffe et d’une ronde croquette et d’un bavarois de crevettes. Même volonté de raffinement.
Pour les trois préparations qui se succèdent alors, peu de réserves à formuler. Si le goût sucré de la betterave rouge fausse un peu celui de la langoustine poêlée, la lotte au caviar d’aubergine, quinoa et oignons frits, agrémentée d’une charmante orchidée croquante et d’une oyster leaf (cette feuille à l’incroyable goût d’huître) flatte délicieusement les papilles. Quant au porcelet et sa sauce à la truffe, ils s’avèrent moins savoureux que leurs accompagnements : haricots justement cuits, pois chiches, tomates marinées, espuma de pomme de terre et coriandre, avec de noirs copeaux de truffe.
C’est au dessert qu’on retrouve un vin de fruit. En l’occurrence un vin de fraise 2003, finement acidulé, merveilleusement parfumé, qu’on déguste avec un bavarois de pommes et un panacotta de spéculoos, puis avec des gaufres à la frangipane et à la poire, puis avec un petit cornet de glace au nougat, puis avec un café italien à l’amaretto… A ce stade, on continuerait pendant des heures.
Reste à retourner au Culinair pour découvrir des accords aux vins de groseille, de framboise, de cerise… Et se dire qu’un producteur de vins wallon et un chef talentueux de Flandre, quand ils se concertent, enrichissent la palette de la gastronomie en noir (comme la truffe), en jaune (comme le beurre au sel de Guérande) et en rouge (comme la cerise) !